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L’Esplanade : Retour sur un quartier méconnu

13 décembre 2020, par Leo

Il n’y a pas que les vieux quartiers de Strasbourg qui ont une âme. J’aimerais vous toucher un mot d’un quartier dans lequel j’ai moi-même vécu quelques années, j’annonce sans surprise vu le titre de l’article : le quartier de l’Esplanade.

Maquette du projet pour le quartier de l'Esplanade

A l’époque je revenais de la Krutenau, après un tardif verre au Chariot, adresse presque légendaire dans les milieux estudiantins, en traversant le campus aux allures de béton âgé. C’était encore avant l’énorme plan de restructuration de cette partie de l’université entre la séculaire Krutenau et l’avenue du Général De Gaulle. Aujourd’hui, la précédente place dite “Rouge” pavée sèchement devant la faculté de Droit a laissé place à une ambiance verte et gazonnée, inspirant à la détente et à la promenade.

Illustration de l'ancien hôpital militaire Gaujot

L’autre alternative était de rentrer en longeant la cité administrative Gaujot, observer interrogativement cette église catholique au style étrange qu’est l’Eglise du Christ Ressuscité des années 60, renifler les odeurs de Macdo et retourner dans mon appartement dans le quartier de hauts immeubles type HLM. A l’époque, je ne voyais pas encore que la poésie de l’histoire laisse des traces jusque dans le béton armé des quartiers aux airs de faux-futur mal vieilli.

Un mot sur l’origine du nom du quartier avant tout, si vous n’êtes pas passé par mon article sur Les noms de quartiers. Une esplanade, selon le Larousse, est au sens premier un “terrain plat, uni et découvert, séparant une citadelle des premières maisons de la ville, pour dégager les vues et les champs de tir de la défense.”
Hé oui, tous ces immeubles sont venu squatter un terrain militaire établi entre la citadelle construite selon les plans de Vauban et les quartiers habités des abords de la Krutenau.
Née pour répondre aux aspirations défensives d’une Strasbourg passée sous la domination du Louis n°14, cette Citadelle se découvre encore en promenade, version parc éponyme, pétanque, bains pour enfants et beaux arbres à la clé. Quant à la place elle-même, elle correspondait peu ou prou à tout ce qu’il y a autour de l’Avenue du Général De Gaulle.
Et cette esplanade militaire a duré. Passée sous domination allemande, Strasbourg se laisse pousser de nombreuses casernes pour répondre aux critères soldatesques (15 000 hommes à Strasbourg!) d’une époque plus moderne, toutes reprises par l’armée française lors de la fin de la Grande Guerre.

Extrait du plan de Balliet, l'Esplanade en 1928
Le pont Winston Churchill construit en 1967

Cette longue tradition militaire va faire place à une vision d’une Strasbourg nouvelle et respirante : en 1958, la ville va racheter 170 hectares de terrains militaires pour les allouer au parc, à l’université, et surtout pour abriter sa population grandissante. Et voici que naît l’Avenue du Général De Gaulle, reliant le quartier allemand et les fronts du Neudorf, un nouveau pont Winston Churchill enjambe le bassin d’Austerlitz dès 1967, en parachèvement du quartier.

D’ailleurs, d’aucuns auront aperçu derrière notre énorme cinéma le dernier vestige de cette version du pont, un escalier tout seul, en colimaçon, détruit en 2014, le reste ayant disparu en 2006 (ça faisait presque art de rue 😉 ).

L'escalier vestige de pont Winston Churchill

Revenons vers l’autre bord de notre quartier retrouver les quelques bâtiments témoignant de cet usage militaire. Les nombreuses casernes ont disparues, l’arsenal s’est fait la malle, ne reste du côté français que la cité administrative -que dis-je, l’hôpital militaire- Gaujot, ce qui confortera tous ceux qui se sont déjà dit que pour des bureaux ça paraissait quand même vachement solide ! Le complexe naît justement en pleine création de la citadelle Vauban, en témoigne encore son entrée goût XVIIIe côté Krutenau, rue… de l’Hôpital militaire !

Laissons là les officiers, médecins et autres coupeurs de jarret (à l’époque), j’aimerais vous laisser un dernier stop pour votre prochaine balade dans le coin au coeur de l’avenue du Général De Gaulle. De mémoire rappelez-vous, il y a une petite placette qui fait la connection avec la faculté de Droit, ouvrant sur le campus. Et cette petite placette est dominée par une haute stature, une déesse des temps anciens, Athéna, gardant les temples du savoir. D’ailleurs, allez voir le socle de la statue pour découvrir les emblèmes de la déesse issue de la cuisse de Zeus, sa chouette symbole de sagesse, l’olivier dont elle fit don aux humains et un serpent pour ne pas oublier la Méduse qui lui doit sa monstruosité.

Le statue d'Athéna place d'Athènes en octobre 2020
La statue de la Baigneuse d'Emilio Greco

En face de celle-ci, toute petite sur son mobilier urbain jaune canari se tient “La Grande Baigneuse” d’Emilio Greco, un artiste italien. J’ai entendu dire une fois que si elle tourne son… dos de manière aussi flagrante à Athéna, c’était pour moquer de son mètre cinquante le sérieux des quatre mètres de la déesse. A vous de vous faire votre propre avis et n’hésitez pas à me faire part de vos réflexions en venant à nos Free Tours, et pour continuer à discuter d’une ville que nous habitons et qui nous habite. Et qui sait, peut-être qu’un jour en vous proposera une visite guidée directement sur place!?

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