Le Fossé des Tanneurs
10 avril 2019, par Leo
La ville de Strasbourg a toujours été une ville de canaux. Déjà à l’origine construite entre deux bras de l’Ill, sur une île aujourd’hui appelée la Grande Île, elle comptait bien des canaux en plus. C’est bien les plans d’urbanisations successifs doublés de changements d’utilisation qui les ont déplacés, recouverts ou tout simplement fait disparaître.
Il n’est pas toujours facile de savoir si ces canaux étaient déjà des bras de la rivière réaménagés, ou creusés de toutes pièces.
Un de ces canaux se situait au cœur même du quartier de la Petite France, et a donné son nom à la rue qui le recouvre actuellement. Je veux bien sûr parler du Fossé des Tanneurs.
Les origines du fossé
Le Fossé des Tanneurs est un de ces noms qui raconte sa propre histoire. Mais cette histoire commence avant ce nom bien connu.
Pendant le moyen-âge la ville s’étend peu à peu. N’occupant pendant longtemps qu’une partie de la Grand’Île, elle se délimite au nord par un canal défensif allant de l’église St Pierre-le-vieux jusqu’à l’actuelle place de l’Homme de Fer et se vidant au bout de la place Broglie. Lorsqu’au 18ème siècle la ville décide d’incorporer le reste au nord, l’embouchure en est déplacée au sud, aujourd’hui la place Benjamin Zix.
Ce canal prend rapidement le nom de ses principaux utilisateurs, situés à l’entrée. Déjà en 1286 on l’appelle “Unter Gerwern” (alsacien, Entre tanneurs ou encore Sous les tanneurs). C’est post-Révolution que le nom prendra sa première forme définitive en français : le Fossé des Tanneurs.
Muni d’une écluse à l’entrée, des barges le descendaient souvent, transportant du tan ou des fagots pour les décharger au quai au nord de la Grand’Rue. Le canal, en pleine ville, était le déversoir du quartier. Il servait à évacuer les égouts et charriait les déchets putrescents des tanneurs. Pourtant un courant constant évitait une stagnation de l’odeur pendant longtemps.
Urbanisme et évolution
Au XIXe, de nombreux plans d’urbanisation transforment l’aspect de Strasbourg. Au début du siècle on commence par recouvrir la partie Homme de fer – Broglie, puis jusqu’à la Grand’Rue entre 1836 et 1842. C’est lors de la construction de l’Opéra à partir de 1804 que l’écoulement ne se fait plus très bien et que la stagnation amène la légendaire odeur qui va imprégner les abords du canal. La dernière partie fut recouverte en 1877-1878 pour devenir la rue dans laquelle nous aimons vous raconter l’une ou l’autre anecdote pendant nos visites guidées.
Le visage actuel du fossé des tanneurs
Aujourd’hui bien sûr les égouts ne s’y déversent plus, les tanneurs sont partis et le cloaque souterrain n’est plus qu’une discrète ouverture qu’on peut apercevoir au niveau de l’Ill. Mais les maisons des tanneurs, reconnaissables à leurs anciens toits munis de galeries à sécher les peaux, et le nom évocateur de la rue qui recouvre le canal, nous inspirent encore pour nos free tours dans le quartier de la Petite France.