Rohan : les origines
29 Janvier 2020, par Gustave
Armand Gaston Maximilien de Rohan Soubise : un fils à papa…
Et à maman !
Parmi les symboles phares de Strasbourg, le Palais Rohan fait incontestablement partie du top 5 de la liste. Qui a passé ne serait-ce que 24 heures dans la ville, a vu le Palais Rohan. Sa construction remonte à 1742 et n’est que l’aboutissement d’une intrigue impliquant, entre autres protagonistes, Louis XIV lui-même. Une histoire qui fait passer nos politiciens actuels pour des petits filous sans ambition…
Nous sommes à cheval entre le 17ème et le 18ème. Strasbourg vient de devenir française (1681), il s’agit de franciser la ville au plus vite : culturellement, politiquement et religieusement. A cette époque, l’évêché de Strasbourg était de première importance, tant pour ses revenus financiers que pour son poids politique. Il est donc normal que Louis XIV fisse des pieds et des mains pour y installer l’évêque de son choix…
Le choix de l’homme
Son homme était trouvé : Armand Gaston Maximilien de Rohan-Soubise. Pourquoi ? Les raisons restent incertaines, mais d’aucuns racontent que ce dernier n’est autre que le fils illégitime de Louis XIV et d’Anne de Rohan-Chabot, Dame de Soubise. Il se disait effectivement à la cour qu’Anne et le roi étaient amants.
Seulement voilà, à cette époque, pour devenir évêque, il fallait tout d’abord faire partie du chapitre de la cathédrale. Or les conditions d’accès au chapitre de la cathédrale étaient telles que seule la haute noblesse allemande pouvait entrer dans cette assemblée. Et de fait, aucun alsacien n’en avait fait partie depuis 1583 !
Le premier travail de la diplomatie française fût donc de négocier qu’un tiers du chapitre appartienne à la noblesse française. C’est ainsi qu’en 1690, âgé de 17 ans, notre Armand Gaston intégra la haute assemblée domiciliaire (partie consultative du chapitre), avant de rejoindre deux ans plus tard la chambre capitulaire, celle ayant droit d’élection. L’évènement n’est pas anodin : à ce jour, et malgré les recherches effectuées par les historiens, les documents justifiant des quartiers de noblesse de notre jeune ambitieux n’ont pas été retrouvés… ils semblent avoir mystérieusement disparu.
Mais l’objectif n’était pas encore atteint, et il allait falloir s’armer de patience… Prévoyant, Louis XIV envoya une première requête au pape Innocent XII, lui demandant le droit de nommer le successeur de l’évêque en poste à ce moment, Guillaume-Egon de Furstenberg. Pour des raisons politiques, celle-ci fut rejetée. Qu’à cela ne tienne, Louis XIV revient à la charge et envoie un émissaire de haute lignée pour négocier la possibilité de nommer un coadjuteur à Furstenberg, invoquant la « santé délabrée » de ce dernier, qui avait alors 70 ans. L’opération réussit. On avance dans notre intrigue, mais un autre obstacle majeur se dressait devant eux : nous voilà maintenant en 1700, et le poste de coadjuteur n’était accessible qu’à partir de 30 ans…
Armand Gaston n’en avait que 27 ! Il fallut donc obtenir une dispense officielle du pape, ainsi que l’assentiment de l’évêque Furstenberg. Et pour cela, on soudoya la nièce de ce dernier pour qu’elle aille le convaincre que Rohan était le profil parfait pour ce poste, malgré son âge. Son argumentation fut accompagnée d’une « indemnité » de 120 000 livres, qui achevèrent de convaincre Furstenberg du bien-fondé de cette décision. Au passage, Louis XIV arrosa également son neveu, qui lui aussi, lorgnait sur le poste.
Ne restait qu’à obtenir la dispense signée du pape… du nouveau pape ! Puisqu’Innocent XII mourut en plein milieu de notre histoire. Cela ne retarda la signature du document que de quelques mois. Grâce à un jeu d’alliances politiques, le successeur d’Innocent signa la dispense le 23 novembre 1700.
Voilà ! Rohan est maintenant coadjuteur… mais toujours pas évêque. La dernière étape n’était pas des moindres, puisqu’il fallait obtenir son élection par le chapitre en tant que successeur de Furstenberg. En clair, il lui fallait obtenir 7 des 12 voix du chapitre, soit la majorité. Louis XIV joua donc de son autorité et de son pouvoir, en promettant une réduction des privilèges des chanoines en cas de « mauvaise » élection, et à contrario, de belles récompenses financières pour une élection « favorable ». Le message fait son effet, et le 28 février 1701, Rohan est élu triomphalement, à l’unanimité.
Il devra attendre la mort de Furstenberg en 1704, pour finalement accéder au siège épiscopal. Il deviendra même cardinal en 1712. Vous comprenez maintenant qu’il fallait pour un tel homme un palais digne de son rang (qu’il soit officiel ou usurpé…), palais que vous pouvez encore admirer aujourd’hui depuis la place du Château, ou depuis le quai des Bateliers.